
Ce que Jean-Luc Nancy soutient
dans Le regard du portrait, ce n’est
plus comme pour Le portrait à l’éventail
de Manet, l’occlusion du regard, l’occultation de l’iris sous les lames du tissu.
Dans les portraits que retient Jean-Luc Nancy, le sujet n’est pas sécurisé sous
sa réserve, « il s’en va par le fond », « il excède la face »
et manifeste une sur-face, une inter-face qui n’est pas celle du sujet réservé, assuré de son retrait, ni celle de l’objet posé par la perspective
comme corrélat intentionnel du regard. Le regard du portrait est bien mieux
celui d’une absence. C’est l’absence qui est manifestée, la mort immortalisée d’un
regard qui garde l’évanouissement de celui qui n’est jamais là, au bord d’une
pré/sence sans aboutissement et sans être.
Le portrait comme savait Bataille n’est donc jamais éloquent. Pour Jean-Luc Nancy, il serait même mutique, muet, placé dans l’apostrophe muette d’un regard qui sans être là n'est pas ailleurs pourtant. Nous voici donc pris dans l’égarement d’un regard, dans le regard égaré, égaré selon une faille qui sépare les deux côtés du visible. Si une pièce de monnaie possède un recto et un verso, la surface d’un tableau ne possède qu’une face, face étalée sans vis-à-vis et qui, selon ce manquement, appelle la possibilité de remplir le vide, de venir à la place inquiète du spectateur devant un regard posé là pour personne. Est-ce pour celui qui pose? Le portrait s'adresse-t-il au modèle? Quelle est sa destination? Etrange carte postale qui dérive de l’un à l’autre sans qu'aucun chemin n’assume la jointure, l’authenticité. D’où le face à face d’une temporalité dont le partage tient pour ainsi dire du miracle : absence de celui qui nous regarde et vacance du spectateur sous ce regard venu de l’autre côté du visible. Cet interstice étrange conduit bien vers un Autre, vers un inassimilable qui donne à Jean-Luc Nancy l’occasion d’un nouveau titre « L’Autre Portrait ».
Le portrait comme savait Bataille n’est donc jamais éloquent. Pour Jean-Luc Nancy, il serait même mutique, muet, placé dans l’apostrophe muette d’un regard qui sans être là n'est pas ailleurs pourtant. Nous voici donc pris dans l’égarement d’un regard, dans le regard égaré, égaré selon une faille qui sépare les deux côtés du visible. Si une pièce de monnaie possède un recto et un verso, la surface d’un tableau ne possède qu’une face, face étalée sans vis-à-vis et qui, selon ce manquement, appelle la possibilité de remplir le vide, de venir à la place inquiète du spectateur devant un regard posé là pour personne. Est-ce pour celui qui pose? Le portrait s'adresse-t-il au modèle? Quelle est sa destination? Etrange carte postale qui dérive de l’un à l’autre sans qu'aucun chemin n’assume la jointure, l’authenticité. D’où le face à face d’une temporalité dont le partage tient pour ainsi dire du miracle : absence de celui qui nous regarde et vacance du spectateur sous ce regard venu de l’autre côté du visible. Cet interstice étrange conduit bien vers un Autre, vers un inassimilable qui donne à Jean-Luc Nancy l’occasion d’un nouveau titre « L’Autre Portrait ».
On ne pourra pas soutenir en effet que le regard du portrait se figure quelque chose selon cette question banale "qu'est-ce qu'il se figure?", "pour qui se prend-t-il?" On voit bien tout de même plutôt la détresse du portrait, touché par de l’infigurable, par ce que le portrait est en attente de percevoir, suspendu à ce qu’il
regarde, dans une attention à rien, à rien de visible pour nous, attention à personne, pas même à lui même, surpris par un autre dans un attitude qui n'est pas la sienne, qui n'est pas naturelle non plus. Nous voici curieusement ouverts à une attention et une vigilance étranges dont
nous ne savons pas ce qu’elles regardent. Qu’attend celui qui nous regarde de si
loin et qu’attendons-nous de ce regard, si ce n’est un échange à peine visible,
l’intimité d’une exposition qui fait notre difficulté d’être là ?
Difficulté de se voir là sans sortir de soi et se perdre par le fond, s’égarer
dans le labyrinthe de la présence, la présence étant sans doute toujours un
écart, ce que dans d’autres circonstances Jean-Luc Nancy devait appeler Praesum. Présent fendu, tiraillé dans l’écart
du trait qui déporte le portrait, fût-ce selon l’instant clivé de la photographie.
Dans cet instant de vérité, dans l’automaton du photomaton « l’auto »
supposé de ce qui serait enfin soi-même « ne fait que mieux ressortir l’impossibilité
d’une attestation visible du soi-même. La forme autopoïétique ou autoiconique
qui gouvernait silencieusement le portrait au cœur de la mimésis se trouble et
finit par se déliter» au bénéfice ni d'une doublure, ni d'une copie, mais d'un détachement, une détrempe dans l’image qui peut encore prendre le nom d’absolu, d'absolution.
J.Cl. Martin
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