mercredi 9 décembre 2020

Traduire le dernier paragraphe de "La phénoménologie de l'esprit"




On ne traduira pas Hegel en VTT ni en récitant son texte de mémoire... Mais reconnaissons à sa décharge l'absence de jargon sans d'interminables notes de bas de page... Certes le texte n'est pas simple, mais j'ai essayé de lui rendre son élégance, son obscurité naturelle dans une autre langue. Retraduire dans cette perspective le tout, ce serait évidemment une tâche infinie. Voici cela dit le dernier paragraphe de la Phénoménologie où, s'il est question de royaume, de Game of Thrones, c'est par une citation de Schiller qui lui donne sa couleur :


« L’autre côté du devenir de l’esprit, son histoire véritable, est le devenir qui se connaît, qui se médiatise lui-même – l’esprit qui se transporte dans le temps. Mais cette expression réelle est justement l’extériorisation de son intimité : le négatif étant le négatif de soi. Ce devenir expose en son mouvement ample une succession d’états d'esprit, une galerie d’images dont chacune est frappée de toute la richesse de son éclat et se meut précisément avec tellement de lenteur que le Soi trouve l’occasion de pénétrer et digérer toute l’extension de cette matière. Puisque la plénitude de l’esprit consiste à savoir réellement ce qu’est sa teneur effective, ce savoir incarne aussi, à partir de son extériorité, un retournement à l’intérieur de soi par lequel il abandonne déjà son existence véritable mais abandonne au souvenir cette figure unique. Dans son retour à soi, il plonge vers la nuit de la conscience de lui-même, laissant en cette part nocturne la trace d’une existence disparue, une trace ainsi conservée qui vient de renaître au savoir et montre par-là une nouvelle existence, un nouveau monde et une nouvelle figure spirituelle. En elle, l’esprit doit bien sûr recommencer depuis le commencement tout à neuf et en extraire sa propre grandeur, mais comme si tout ce qui précédait avait été perdu pour lui ou comme s’il n’avait rien appris encore de l’expérience des esprits précédents. Assurément, son souvenir s’est conservé et repose à l’intérieur comme la forme la plus aboutie de sa substance. Si donc cet esprit recommence depuis le début sa culture, en paraissant partir seulement de lui-même, dans l’éclipse de sa vie concrète, c’est en même temps à partir d’une marche plus élevée qu’il commence. Le royaume de l’esprit qui s’est illustré de cette façon dans l’existence, produit une succession en laquelle un esprit a remplacé un autre et chacun a pris de son prédécesseur la mesure de son monde. Sa cible est la révélation de sa profondeur perdue et celle-ci est le concept absolu : par conséquent, cette révélation est le fait de supprimer sa profondeur en même temps que son espacement, nier la négativité de ce Je qui existe à l’intérieur de soi et contient sa substance, son extériorité – et son temps qui fait que cette extériorisation s’était extériorisée elle-même mais arrive ainsi au soi autant dans son extension que dans sa profondeur. Le but, le savoir absolu ou l’esprit qui se sait esprit a pour chemin l’intériorisation des esprits tels qu’ils ont été en eux-mêmes et tels qu’ils accomplissent l’organisation de son royaume. Leur libre conservation, du côté de la contingence des événements tels qu’apparus, forme l’histoire ; du côté de leur organisation conceptuelle, elle est la science du savoir incarné : les deux ensemble, l’histoire et sa conception, mettent en scène le ressouvenir et le calvaire de l’esprit absolu, l’effectivité, la vérité et la certitude de son trône sans lequel il serait la solitude sans vie ; c’est donc seulement

                                Du calice de ce royaume des esprits                                                                                                                      Que monte jusque lui l’écume de son infinité »


HEGEL  (Trad. Jean-Clet Martin)

2 commentaires:

  1. Bonjour monsieur Martin,

    En ces lieux : http://strassdelaphilosophie.blogspot.com/2020/12/traduire-le-dernier-paragraphe-de-la.html, désiriez-vous réellement traduire le segment concerné comme suit :

    [...] Que monte jusque lui l’écume de son infinité [?]

    Cela étant, votre site est franchement magnifique.

    Cordiales salutations

    JLG

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  2. En fait non. Il s'agit d'une traduction très provisoire. J'ai pensé au lait qui monte ou l'écume de la bière. Mais ce serait mieux ainsi : "Du calice de ce royaume des esprits écume jusqu'à lui son infinité". Mais je dois dire que certaines phrases pour conserver un sens en français relèvent de la réécriture.

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